Être Compagnon arbalétrier aujourd’hui

Depuis des temps, l’homme, pour sa protection, pour celle de son territoire, de son terrain de chasse, de ses plantations, pour la survie de sa famille et dans l’optique de lendemains meilleurs, s’est senti obligé de vivre en groupes, en tribus et clans.

De la découverte du feu qui fut certainement un des moteurs de cette obligation – tant que la foudre fut le seul moyen de s’en procurer, il fallut entretenir le feu et en défendre la propriété – jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, les siècles s’écoulant au rythme de la nature, l’obligation de se grouper en bourgs, en villages ou en villes, créa pour les individus, l’obligation d’accepter certaines règles, certaines lois, sans lesquelles la vie en communauté devient vite impossible. En contrepartie, l’homme du peuple, spécialisé dans un métier, un artisanat ou une profession chercha à protéger cas connaissances, son acquis et se regroupa en plus et à cet effet, dans une corporation, organe et de défense de ces droits.

Si la ville compte ainsi et désormais des corporation de métier, la création de corporations armées, appelées à ,défendre l’agglomération ainsi formée, s’avéra rapidement obligatoire. Ce n’était finalement qu’une corporation de plus, mais à but non artisanal !

Primitivement, les gildes étaient armées donc une assemblée de compagnons réunis pour la défense de la communauté et très tôt l’habitude s’installa que les compagnons versent un écot pour un banquet appeler à les réunir. Ce repas resserrait les liens entre les membres de la confrérie. Il est et reste essentiel, constituant, aujourd’hui encore, un événement marquant de notre vie de compagnonnage.

La vie de chacun des membres d’une gilde n’était possible que par l’association et la participation de tous. A coté de l’utilité défensive, s’est aussi rapidement créé une fraternité, un esprit de partage, de compagnonnage : par exemple, à la mort d’un confrère pauvre, la communauté se chargeait des funérailles et s’occupait de sa veuve. C’est quelque peu, l’origine de nos mutuelles.

Le Moyen-âge est empreint de mysticisme et de religion, aussi la salle de réunion de la gilde n’est-elle jamais loin de la chapelle, lieu de réunion pour la prière communautaire, ni de l’hopital ou hospice, où des compagnons soignent et accompagnent des amis.

Au fils des ans, ces associations armées se multiplient, s’élargissent et propagent leur bienfaisance.

Portant le nom de « gilde » dans les régions du nord, elles sont plus généralement désignées sous le vocable « serments » ou « compagnies » dans celles du sud. Les serments se différencient cependant par le fait que les tireurs ou une partie des tireurs de la gilde sont gagés par la ville et tenues de jurer fidélité au suzerain, le duc de Brabant dans notre cas et aux autorités du lieu, notre bonne Ville de Bruxelles.

Les serments étaient, en quelque sorte, des troupes armées d’élite dépendantes du suzerain, appelé à épauler les milices communales en cas de besoin.

La tradition subsiste : aujourd’hui encore et devant-vous, nos novices, lamain droite posée sur l’arbalète, jurent fidélité au duc de Brabant et au Conseil de la bonne Ville de Bruxelles. Ils poursuivent par un engagement d’aide et d’obéissance à la Gilde.

Les serments étaient affectés au maintien de l’ordre. Mais nous savons combien les Brabançons aiment leur liberté et leur franchise ! On prêtait notre concours à l’autorité, mais cela n’a jamais été un concours aveugle. Il arrivât que placées dans une position inconfortable entre le pouvoir, auquel nous avions prêté serment et la population de la Ville, que nous avions à coeur de défendre, nos corporations se virent dans l’obligation de s’écarter de la volonté du souverain et se posèrent en défenseurs de droits que l’on voulait bannir ou comprimer.

Signalons, enfin que les serments avaient également, dans le passé, un rôle protocolaire d’escorte d’honneur et un devoir d’assistance lors de lutte contre le feu.

A l’époque contemporaine, les gildes conservent, parfois, une notion exagérée de leurs droits ancestraux. Ainsi, si à l’époque de leur splendeur elles jouissaient de certains privilèges, par exemple, celui ou la Commune, sinon le suzerain, leur assuraient un local et un terrain d’exercices, se croient-elles encore parfois autorisées à revendiquer ladite faveur.

Charles DECLERCQ, ancien « Hoofdman » de notre Gilde présentait les arbalétriers actuels sous un jour à peu près identique. Il disait : 

«L’idée première n’a sans doute pas tellement évolué ; nous défendons toujours le renom de notre bonne Ville  et l’ordre dans le chef du Roi ou de l’autorité légalement constituée.»

Mais surtout, par notre serment, à notre tour, nous devons compagnon arbalétrier, nous engageant à servir la gilde et non de s’en servir. Le terme « compagnon » contient une idée d’égalité dans le chef de celui qui se voit devoir marcher dans un même sens et qui lutte pour un même idéal de grandeur et de pérennité de sa gilde.

L’idéal de l’Ancien Grand Serment Royal et Noble des Arbalétriers de Notre-Dame au Sablon, dans notre époque matérialiste marquée d’innombrables évolutions devenues quasi incontrôlables, n’est pas facile à concrétiser. Composé de plusieurs facettes, l’une d’elles serait d’être le porte-drapeau des arbalétriers tant de Belgique  que de l’étranger. Partout et toujours, nous devrions affirmer notre présence…effort incessant et de dévouement à la cause de l’arbalète et du serment qui se trouve rarement rassemblé à un haut niveau et avec constance, au sein des compagnons.

En prêtant le serment de fidélité, le Compagnon s’engage pourtant à maintenir la réputation de sa gilde, au mieux de ses possibilités.

Être compagnon, c’est cela : tenir parole à son serment, être avant tout un soutien pour les autres compagnons et en dehors de son local, rester digne représentant, porte-drapeau des arbalétriers, fier de sa gilde.


François Samin

Maître et Archiviste de la Gilde
(2009, extrait du fascicule de la Grand Messe Solennelle de Consécration des Roys)